Le projet CRITIS
Mobiliser les Sciences Humaines et Sociales pour penser l’intervention sociale
Du Centre de Recherche Interinstitutionnel au Groupement d’intérêt scientifique international sur les Transformations et l’Intervention Sociales (CRITIS)
Créé en 2011, le Centre de Recherche Interinstitutionnel sur les Transformations et l’Intervention Sociales (CRITIS) est un consortium composé de quatre Institut Régionaux du Travail Social (IRTS-IDS Normandie, IRTS PACA-Corse, IRTS Aquitaine, IRTS Languedoc-Roussillon) qui a défini des objectifs communs pour développer et valoriser la recherche dans le champ de la formation en travail social. Ces instituts se sont associés pour constituer un centre de recherche interinstitutionnel afin de développer une offre de recherche scientifique pluridisciplinaire dans le domaine des sciences humaines et sociales ; souscrire de manière concertée à des appels d'offres émanant d'organismes divers ; proposer un appui scientifique aux « plateformes régionales » des établissements de formation en travail social (EFTS) dans la perspective de la création des Ecoles Supérieures en Travail Social associés aux universités, de leur développement et de leur labellisation ; valoriser et diffuser les travaux scientifiques produits par les EFTS membres du CRITIS portant sur des problématiques sociales ou de santé ; obtenir toute accréditation nationale et internationale facilitant la reconnaissance et le financement des travaux de recherche du « centre interinstitutionnel ».
Dans ce cadre, les membres de CRITIS ont défini un programme de recherche permanent sur les mutations de l’intervention sociale1 qui s’est concrétisé par l’organisation de colloques2, des publications3 et un ouvrage4. En outre, ils ont réalisé deux programmes de recherche5 ayant donné lieu à des publications6 et travaillent actuellement sur un nouveau programme7.
Aujourd’hui, après plusieurs années d’existence au cours desquelles les membres fondateurs du CRITIS ont réalisé des recherches et organisé des colloques, il s’agit maintenant d’élargir et développer le projet CRITIS en ouvrant ce consortium à d’autres acteurs de la formation et de la recherche impliqués dans le champ social et scientifique à l’échelle inter-régionale, nationale et internationale. Le plan gouvernemental en faveur du travail social et du développement social qui reconnaît l’intervention sociale comme un champ de recherche à part entière souligne, en effet, l’importance de notre dynamique en plébiscitant le développement de réseaux de recherche regroupant des EFTS et des Universités. Dans la pratique, l’existence de ces réseaux participent à inscrire pleinement les formations sociales dans le champ de l’enseignement supérieur. Dans cette perspective, le Centre de Recherche Interinstitutionnel se transforme en groupement d’intérêt scientifique : le GIS - Centre de Recherche International sur les Transformations et l’Intervention Sociales (CRITIS) constituer un Groupement d’Intérêt Scientifique (G.I.S) dont vous trouverez le projet de création en annexe.
Vers la constitution d’un espace spécifique « Sciences et pratiques de l’intervention sociale »
Suite aux Etats Généraux du Travail Social (EGTS), c’est avec une grande satisfaction que nous avons pris connaissance du Plan d’action historique en faveur du travail social et du développement social présenté le 22 octobre 2015 par Marisol Touraine, ministre des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Ce plan d’action, en effet, rejoint les objectifs que nous avons décrits plus haut. Parmi les 26 mesures annoncées, l’axe intitulé « Reconnaître l’intervention sociale comme un champ de recherche » constitue, en particulier, une avancée majeure pour la reconnaissance d’un statut d’enseignement supérieur à part entière des EFTS.
A la suite de la « conférence de consensus sur la recherche et le travail social » en 2012, ce plan intègre le champ de la formation en travail social au sein de l’espace de l’enseignement supérieur et envisage des espaces de rencontre et de travail entre le monde universitaire et celui des EFTS. Nous rejoignons les ambitions du plan d’action gouvernemental en faveur du travail social de « développer la recherche sur le champ du travail et de l’intervention sociale » afin de contribuer à l’amélioration de la formation des travailleurs sociaux. Nous souscrivons, notamment, au projet d’améliorer la qualité des enseignements, appuyée sur des résultats de recherche produits par des chercheurs et des enseignants-chercheurs intégrés dans les établissements supérieurs de formation en travail social (ce qui nécessite la constitution de fonds de recherche dédiés aux EFTS à l’instar des universités).
Nous nous félicitons des mesures de reconnaître et promouvoir les diplômes d’Etat du travail social post-bac. Les passerelles automatiques entre ces diplômes et les diplômes universitaires vont, par exemple, favoriser l’inscription des formations sociales dans le processus de Bologne et son schéma « LMD » (Licence, Master, Doctorat). Nous soutenons également le projet gouvernemental d’amener les établissements de formation en travail social, à l’instar des universités, à être évalués par le Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES). A terme, cette évaluation devrait effectivement concourir à la reconnaissance du champ de la formation en travail social comme un espace à part entière du champ académique.
Nous partageons aussi l’idée qu’il est souhaitable de constituer une discipline académique « travail social » qu’il ne s’agit cependant pas de confondre avec une improbable « alterscience en travail social ». La constitution d’une « science du travail social » qui développerait sa propre théorie sans pour autant la confronter aux points de vue d’autres scientifiques aurait en effet pour résultat de décrédibiliser le champ social en tant qu’espace crédible de production de la recherche scientifique. Néanmoins, nous croyons, comme le suggère le plan d’action gouvernemental, qu’il est aujourd’hui important que le travail social soit reconnu comme un espace académique spécifique enseigné au sein d’Ecoles Supérieures de l’Intervention Sociale (constituées d’EFTS et d’universités) et disposant d’un doctorat. La constitution d’un doctorat spécifique au travail social et à l’intervention sociale nécessite alors la création d’une école doctorale et d’une section «CNU8» que nous proposons d’appeler : «Sciences et pratiques de l’intervention sociale». En faisant le choix d’appeler « Sciences et Pratiques de l’intervention sociale » un nouvel espace académique qui est nécessaire à la reconnaissance pleine et entière du travail social dans ce champ, c’est donc la nécessité de mobiliser les sciences humaines et sociales pour penser les pratiques d’intervention sociale qui est reconnue et non pas l’existence d’une « science » spécifique au travail social. La constitution d’un espace spécifique au croisement de plusieurs sciences humaines et sociales (sociologie, psychologie, ethnologie, psychologie sociale…), d’un travail réflexif sur les techniques, les pratiques professionnelles et les références déontologiques doit ainsi permettre aux acteurs du champ social (intervenants sociaux, formateurs, chercheurs) d’être davantage reconnus et autonomes.
La perspective de s’appuyer sur des réseaux de recherche à l’échelle nationale et internationale pour créer des écoles supérieures associant EFTS et universités, en coopération avec les régions, est un projet enthousiasmant auquel nous souhaitons contribuer. Comme nous l’avons déjà souligné, nous soutenons, en effet, le projet de constituer des écoles supérieures en travail social dans les régions associant formation, recherche et développement international. La création de ces Ecoles Supérieures de l’Intervention Sociale permettra un rapprochement et une coopération équilibrée entre l’appareil de formation et de recherche du champ social et avec celui des universités.
1 Le programme « Comprendre les mutations du champ social : rationalisations, épreuves et réactions de l’intervention sociale ».
2 Un colloque scientifique transnational - « L’état social dans tous ses états » - les 8 et 9 décembre 2011 à Marseille ; Une journée d’étude - « Empowerment, participation, activation. Des concepts aux pratiques d’intervention sociale » - le 19 septembre 2014 à Perpignan ; Une colloque scientifique - « L’intervention sociale collective et communautaire : réalités, atouts et limites » - le 11 mars 2016 à Marseille.
3 Deux numéros de la revue en ligne Sciences et Actions Sociales, cf. http://www.sas-revue.org/index.php/9-numero-de-revue/13-n-1-annee-2015-dossier-n-1 et http://www.sas-revue.org/index.php/9-numero-de-revue/30-n-2-annee-2015-dossier-n-2
4 Manuel Boucher, Mohamed Belqasmi (dir.), L'Etat social dans tous ses états. Rationalisations, épreuves et réactions de l'intervention sociale, éd. L'Harmattan, coll. Recherche et transformation sociale, 2014, 313 p.
5 « Les modes d'intervention psycho-socio-éducatifs de « soutien à la fonction parentale dans les milieux populaires : les transformations de la protection de l'enfance à l'épreuve des représentations, des pratiques professionnelles et des stratégies d'acteurs », appel d'offre de l'Observatoire National de l'Enfance en Danger (ONED), appel d'offre obtenu en juillet 2009, rapport final mai 2011, 300 p. et « Participation des « usagers » et transformation des pratiques professionnelles des acteurs de la protection de l'enfance. Quels réalités et effets de l'implication des enfants et des parents dans la prise en charge de l'enfance en danger », appel d'offre de l'Observatoire National de l'Enfance en Danger (ONED) obtenu en août 2014, rapport final septembre 2014, 235 p.
6 Manuel Boucher, avec Mohamed Belqasmi, Mélina Eloi, Candice Martinez et Marie-Laure Pouchadon, Gouverner les familles. Les classes populaires à l'épreuve de la parentalité, Paris, éd. L'Harmattan, 2011, 471 p.
7 Programme de recherche « Traitement et prévention de la radicalisation de l’enfance en danger. Les familles : alliées ou adversaires de la prévention des risques de radicalisation ? » Soutenu par le Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation.
8 Le Conseil National des Universités, abrégé par le sigle CNU, est une instance consultative et décisionnaire française chargée en particulier de la gestion de la carrière des enseignants-chercheurs (professeurs des universités et maîtres de conférences).